Amel postule pour le prix Nobel de la paix

Pour la première fois depuis la création de ce prix en 1901, une ONG libanaise est candidate au Nobel de la paix pour 2016. L’information peut paraître utopique, mais comme cette année le thème principal est l’aide aux réfugiés, ceux qui connaissent le travail de cette association sur le terrain, et en particulier l’ancien ministre et professeur à l’institut des sciences politiques de l’USJ Georges Corm, ont estimé qu’elle était bien placée pour tenter sa chance et, à travers elle, celle du Liban.

En décidant de préparer un dossier dans ce but, le comité de soutien de Amel, dont le président fondateur est le Dr Kamel Mehanna, cherche à promouvoir le Liban et la région du Moyen-Orient dans son ensemble, si souvent déchirée par les guerres et les violences, tout en mettant en évidence l’immense tragédie vécue par les millions de réfugiés syriens et avant eux par les réfugiés palestiniens qui continuent depuis plus de soixante ans de vivre dans les camps.

Selon la procédure en vigueur, les candidatures au Nobel de la paix doivent être présentées soit par une figure politique, soit par un professeur d’université en sciences politiques ou en histoire, soit par un ancien détenteur de ce prix. C’est sur cette base que le Pr Corm a agi. Mais très vite, ce qui était une initiative personnelle a pris une grande ampleur. Le Premier ministre Tammam Salam a appuyé la démarche et envoyé une lettre officielle adoptant la candidature de Amel. Une pétition signée par 24 députés libanais représentant tous les bords et confessions a été rédigée, suivie par la création d’un comité de soutien international où figurent des personnalités officielles, européennes et internationales.

Grâce à l’aide inlassable fournie aux déplacés syriens et palestiniens au Liban, sans distinction de région, de confession ou d’affinités politiques, Amel a donc le profil idéal pour être dans la course au Nobel de la paix. Depuis le déclenchement de la crise syrienne en 2011, cette association est en effet devenue la principale ONG libanaise à exécuter des projets d’aide aux réfugiés, devenant un partenaire quasiment incontournable pour les institutions relevant de l’Onu.

Indépendance et laïcité
Fondée en 1979, après l’arrivée massive des réfugiés palestiniens au Liban et les ravages de la guerre civile, Amel n’a cessé de se développer, brandissant fièrement son indépendance et sa laïcité dans une société libanaise minée par les appartenances politiques ou confessionnelles. En plus de 45 ans d’existence, l’association ne s’est jamais écartée de sa ligne de départ, celle de l’égalité de tous devant la misère et du droit de tous à recevoir de l’aide pour pouvoir mener une vie décente. Dans un monde de privilèges et de pouvoir, Amel a cru en l’homme et c’est pour cela qu’elle a pu traverser les années et les crises, en restant présente aux côtés des plus démunis et dans les milieux défavorisés, pour non seulement fournir des aides médicales et sociales, mais aussi pour éduquer les plus abandonnés à la notion de droit et de citoyenneté, au lieu des identités confessionnelles et du clientélisme en vigueur au Liban.

À mesure qu’elle grandissait en poids et en efficacité, Amel a commencé à attirer les convoitises de la classe politique et des leaders confessionnels. Mais, grâce aux convictions solides du Dr Mehanna, elle a résisté à tous les appâts et à toutes les tentatives pour la contrôler ou pour la faire dévier de sa mission initiale. Cette association a payé cher le prix de son indépendance et de sa navigation à contre-courant dans une société divisée. Elle a été la cible d’attaques et de plans pour la diluer ou la transformer en groupe confessionnel, voire en instrument politique. Mais elle a réussi son pari, s’imposant sur le terrain comme la principale association locale qui aide les déplacés syriens, tout en mettant ses structures, son expérience et ses moyens au service de tous ceux qui souhaitent aider ceux qui ont tout perdu sauf la vie.

Désormais, elle ne cesse de grandir. Avec 800 volontaires, elle a multiplié ses centres sur l’ensemble du territoire libanais (elle possède 24 centres et 6 cliniques mobiles) et elle a élargi ses réseaux d’aide et de contributeurs à d’autres pays comme les États-Unis et bientôt la France. Les valeurs qu’elle défend sont universelles : le concept de citoyenneté, la sensibilisation au principe de l’égalité des droits, la promotion de la femme, le dialogue comme moyen de résoudre les conflits et le refus de la violence. Là où il n’y a que tableaux sombres, Amel cherche les lueurs d’espoir, convaincue qu’en dépit de la violence et de la dureté dont il peut faire preuve, l’homme garde en lui des trésors qui ont besoin d’un contexte de tolérance pour pouvoir se développer.

Un modèle nouveau d’aide
Au Moyen-Orient où, ces dernières années, les drames sont plus nombreux que les bonnes nouvelles, Amel a essayé, dans la mesure de ses moyens, d’offrir un modèle nouveau d’aide aux couches défavorisées, dont les déplacés, en se basant sur la conviction que l’homme mérite le meilleur.

C’est pour ce rôle-là et pour l’espoir qu’elle représente dans une région en proie à la tourmente qu’elle mérite d’être récompensée par une haute distinction comme le prix Nobel de la paix. Si elle est choisie, c’est tout le Liban qui accueille un trop grand nombre de réfugiés en dépit de ses propres difficultés, sans jamais songer à fermer ses portes à ceux qui fuient l’enfer, qui sera récompensé.

Ce sont aussi tous ceux qui dans le monde croient à un meilleur avenir pour les plus faibles qui seront confortés dans leur conviction. Avec sa longue expérience non seulement de la gestion des crises d’urgence, forgée à travers sa coopération avec les associations Médecins du monde et Médecins sans frontières, mais aussi en temps de paix où elle mise sur l’éducation, Amel est devenue un véritable modèle de changement dans la douceur et en profondeur des sociétés longtemps figées du Moyen-Orient.

Avec cette candidature, c’est donc un nouvel espoir qui se profile pour tous ceux qui veulent un changement pour le meilleur dans la région. C’est dans cet esprit que le Pr Georges Corm a convaincu le Dr Kamel Mehanna de préparer un dossier. L’aura de Amel ayant dépassé les frontières, la candidature soulève un élan de sympathie et de bienveillance mondial. L’association soigne actuellement son lobbying et deux événements seront organisés dans ce but en septembre, en France et en Norvège… avant le rendez-vous décisif du 7 octobre. Amel pourrait alors suivre son chemin vers une reconnaissance internationale.

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